Retour sur l’intervention de Bernard Poignant lors du colloque du 25 septembre 2013 : « La Cathédrale dans la ville ».
M.Poignant, pourquoi ce réseau?
C’est un sujet un peu inhabituel dans nos fédérations, dont j’ai d’abord vérifié la pertinence auprès de ma collègue de Beauvais, Caroline Cayeux. J’ai été influencé dans ce projet par la Cathédrale qui est dans ma ville. La Cathédrale de Quimper a connu une rénovation en 20 ans. Mais 20 ans, ce n’est rien à l’échelle d’une cathédrale ! Nous ne sommes pas à l’échelle des réseaux sociaux.
La Cathédrale a fait beaucoup d’effet auprès de la population lorsqu’elle a été révélée dans son intégralité et ré-ouverte au public après les travaux. Les habitants ont été très nombreux à venir voir. Le maire que je suis ne peut pas se montrer indifférent à cela. A titre personnel, j’ai été guide civil dans cette Cathédrale, et j’ai donc une certaine tendresse pour ce monument que je connais bien. Je trouvais donc intéressant qu’on ne soit pas officiellement indifférent à un monument qui est très présent dans de nombreuses villes, et qui est non seulement fréquenté par les croyants mais également très visité chaque été - même très très visité, par des milliers de personnes, peut-être même des dizaines de milliers ! Il faut dire, la Cathédrale n’accueille pas que des cérémonies religieuses, mais aussi des rassemblements et manifestations artistiques et culturelles.
Et il n’y en a pas que dans les villes moyennes ! Là vous êtes accueillis par les villes moyennes, mais le réseau les dépasse.
A travers les aménagements qui ont eu dans ma ville, j’ai constaté qu’elle était un élément important en matière d’urbanisme. Elle est même très souvent un repère physique dans les villes. On la voit de loin. J’ai même toujours pensé que s’il y avait eu des POS et PLU dans les villes, on n’aurait jamais eu de cathédrales : elles sont trop hautes par rapport à ce qu’on exige de nous aujourd’hui ! Comme quoi il faut faire attention à des règles trop strictes. Il faut croire aux hommes, et à ce qu’ils font.
C’est donc un élément d’urbanisme souvent au cœur des villes. Pas toujours, parfois ce cœur a pu se déplacer, autour des gares, après des catastrophes ou des incendies ; dès lors donc que c’est un élément de notre urbanisme, comment considérer qu’il ne faut pas s’en occuper ? On ne peut pas les laisser de côté. Et puis je pense qu’elles auront de plus en plus besoin d’entretien, de restauration. Dans un certain nombre de villes, elles sont très victimes de la pollution. Tout dépend du matériau : le granit, ce n’est pas le calcaire. Et encore on peut distinguer différents types de granit et de calcaire. A Quimper par exempel, la Cathédrale, pourtant restaurée depuis peu, est déjà touchée par la pollution. Elle subit aussi les embruns marins.
Il faut que nous puissions dire à l’Etat qu’il ne doit pas baisser la garde et qu’il doit continuer à prévoir l’entretien de bâtiments qui lui appartiennent, en général. J’ajoute que tous les monuments (églises, chapelles), construits avant 1905, appartiennent aux communes. Quimper est propriétaire de quelques églises et chapelles, ce qui nous posera de plus en plus de difficultés à l’avenir. Réparer un toit, une chaudière pour les chauffer, c’est extrêmement coûteux. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y a là un patrimoine national, qu’on n’a pas le droit d’ignorer et de laisser se dégrader, qu’il soit propriété de l’Etat ou des communes.
D’autant que je suis sensible à la série des métiers requis pour la restauration. J’en ai vu faire et je me suis dit qu’il fallait garder ce savoir-faire : métier du bois, du vitrail, du verre, de restauration des fresques, des peintures, c’est considérable. Pour la Cathédrale de Quimper, il a fallu faire appel à des savoir-faire venus de l’étranger, parce qu’on les avait perdus en France.
En plus, vous avez remarqué qu’un éditeur a récemment lancé une nouvelle campagne d’édition sur les cathédrales. Il s’agit des Nuits Bleues, dont nous avons le représentant ici avec Monseigneur Doré. Chaque édition connaît un succès relativement important compte tenu du poids de l’ouvrage et de son prix, grâce sans dout à sa magnifique iconographie et ses très beaux textes. Je pense donc que tout cela mérite de notre part une attention.
J’ajoute que c’est une partie de notre civilisation européenne. J’ai été parlementaire européen et quand les jeunes me demandaient de définir l’Europe - ce n’est pas toujours si facile, on peut toujours décrire l’appel à la Liberté - il m’est arrivé de dire que la Civilisation européenne, ce sont nos places : prenons l’Italie, c’est le Duomo, la piazza del communale, le museo civico, la trattoria, le restaurante. De même, nos villes ont souvent cette configuration, et nous maires, nous voulons garder cela.
Concernant les Cathédrales, je rappelle qu’on note la présence de trois partenaires : l’Etat - propriétaire dans la plupart des cas ; l’affectataire - qui est le diocèse ; et moi j’ajoute le dépositaire : c’est nous, nos territoires, nos communes. Cela ne veut pas dire qu’on va payer ! Chacun doit payer ce qu’il possède. Nous, communes, avons des dépenses, et on les assume. Quand l’Etat en a, il doit les assumer aussi.
Ce sont tous ces regards qui m’ont amené, avec ma collègue de Beauvais, avec Christian Pierret, à réfléchir à cette idée. Alors certes il n’y a pas de Cathédrales dans toutes nos villes, il y a d’ailleurs des densités plus grandes dans certaines régions de France que d’autres, en raison de l’Histoire médiévale ; mais il n’empêche qu’il fallait provoquer l’échange et nous verrons quelles suites nous pouvons utilement donner à ce réseau, sachant que nous ne pouvons pas nous limiter aux villes moyennes, puisqu’il y a des cathédrales dans de très grandes villes.
Bernard Poignant,
Maire de Quimper